• Présence d’un acte matériel, c’est à dire l’existence d’un acte sexuel. La réalité de la pénétration peut être malaisée à mettre en évidence. Ainsi, l’expertise psychiatrique et médico-psychologique vise la recherche de symptômes congruents avec la présence d’un traumatisme afin d’établir crédibilité des dires de la victime. Quant à l’examen médico-légal, il doit être réalisé le plus tôt possible et rechercher des traces de relations sexuelles, de violences physiques, des taches de sperme…
  • Le deuxième élément est la violence. Or, la notion de non-consentement à l’acte sexuel est parfois malaisée à établir.
  • Le troisième élément retenu pour caractériser le viol est l’intention coupable de l’auteur de l’infraction.
     

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. Il peut être assorti de circonstances aggravantes dans le cas où la victime est un enfant de moins de quinze ans ou si l’auteur a un lien de parenté avec la victime, si l’acte est réalisé en bande («tournante »), s’il est effectué avec menace d’une arme, si le violeur est un ascendant légitime de la victime.
 

La tentative de viol est punie des même peines, tentative que l’on définit par commencement de l’acte qui s’est trouvé interrompu par une circonstance extérieure indépendante de la volonté de l’auteur.
 

Clinique du viol
 

Barte et Ostapzeff distinguent trois typologies de viol :

  • Le viol simple : l’agression sexuelle reste occasionnelle et l’agresseur réalise un désir sexuel sans aucune autre motivation. On distingue :

- le viol récidivant sur la même personne

- le viol suivi d’un reviol par la personne auprès de laquelle la victime vient demander de l’aide

- le viol récidivant par la même personne

- le viol à la sortie des boites de nuit, sur la plage la nuit, des auto-stoppeuses

- le viol d’une femme de tradition familiale où il signe, comme un rite de passage, l’entrée dans le monde adulte

  • Le viol compliqué désigne le viol avec des violences associées qui peuvent prendre l’allure d’actes de barbaries, de perversions sexuelles. L’homicide (volontaire ou non) est fréquent quand le viol à lieu sur un mineur.
  • Le viol de substitution, substitut d’un vol, d’un meurtre, de la masturbation.
     

Clinique du violeur
 

Le viol peut être le fait de psychopathes, de pervers, de personnes souffrant de déficience intellectuelle mais dans la majorité des cas, il concerne des individus indemnes de tout trouble mental et parfaitement responsables de leur acte.

Turvey (1999) propose la classification suivante des violeurs en fonction de la motivation et du comportement de ceux-ci :

  • Recherche de réassurance ou compensation : le violeur présente un manque de confiance en soi des doutes sur sa virilité ; le viol lui permet de se réassurer face à ce vécu. Généralement, ces individus présentent des difficultés à initier et/ou à entretenir une relation les amenant à vivre de façon solitaire. La victime est sélectionner dans le voisinage et son approche à lieu par surprise. Le violeur utilise le minimum de force nécessaire, ne voulant pas blesser sa victime. Ici, le violeur recherche la participation de la victime, la questionne sur ses désirs. Il reprend fréquemment contact avec sa victime après l’agression pensant que celle-ci a apprécié l’acte sexuel et qu’elle éprouve des sentiments pour lui. Parfois, il peut être amené à renoncer à l’acte si la résistance de sa victime est trop importante.
  • Recherche de pouvoir, expression d’un sentiment de domination : ces individus sont caractérisés par l’égocentrisme et leur sentiment de «virilité » important. Cette virilité leur donnerait le droit d’agresser sexuellement afin de prouver leur domination, leur supériorité. Dans ce cas, le viol a lieu avec une violence importante augmentant en cas de résistance de la victime. Le violeur recherche à contrôler, humilier sa victime qui est ici considérée comme un objet permettant la réalisation des fantasmes sexuels.
  • Rage : le viol s’effectue avec une agressivité importante, souvent impulsive. Le seul but de l’agression est de dégrader, voire de détruire la victime. Plus qu’un désir sexuel, l’agresseur ressent préférentiellement une rage et une colère intense. Ces sentiments font souvent suite à des événements tels qu’une dispute avec le conjoint, la famille. Ici, la victime n’a pas de caractéristiques particulières.
  • Sadisme sexuel : le violeur prépare, planifie ses agressions selon son imaginaire érotique violent. Les viols font l’objet d’un rituel prolongé avec érotisation des mauvais traitements infligés à la victime. Les victimes sont le plus souvent inconnues du violeur mais sont sélectionnées, choisies en raison de caractéristiques particulières. Des objets servant pendant l’acte sont souvent apportés par l’agresseur. Ce dernier tue parfois sa victime pour ne pas être dénoncé et garde des souvenirs ou trophées de ses agressions. Seuls 10% des auteurs de viol réunissent les critères du «sadisme sexuel » où la souffrance de la victime est l’unique source d’excitation sexuelle de l’agresseur.

Le DSM IV définit le sadisme sexuel selon les critères suivants :

- Présence de fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, d’impulsions sexuelles, ou de comportements, survenant de façon répétée et intense, pendant une période d’au moins 6 mois, impliquant des actes (réels, non simulés), dans lesquels la souffrances psychologique ou physique de la victime (y compris son humiliation) déclenche une excitation sexuelle chez le sujet

- La personne a cédé à ces impulsions sexuelles avec une personne non consentante, ou les impulsions sexuelles ou les fantaisies imaginatives sont à l’origine d’un désarroi prononcé ou de difficultés interpersonnelles.
 

Clinique du violé
 

Durant le viol, la victime est dans un état d’angoisse aigu où prédomine un sentiment de mort imminente. Ce stress intense peut engendrer immédiatement un état de stress aigu pouvant évoluer vers un état de stress post traumatique où seront associés cauchemars en lien avec l’agression, reviviscence de la scène vécue (flash-back), affects dépressifs, labilité émotionnelle ainsi que des symptômes d’allure dissociative : détachement, émoussement affectif, torpeur, réduction du champ de la conscience, sentiment de déréalisation, de dépersonnalisation, dysmnésie sélective.
 

Critères du DSM IV du stress aigu
 

A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :

(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d'autrui a pu être menacée ;

(2) la réaction du sujet à l'événement s'est traduite par une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur. NB. Chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.
 

B. Durant l'événement ou après avoir vécu l'événement perturbant, l'individu a présenté trois (ou plus) des symptômes dissociatifs suivants :

(1) un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réactivité émotionnelle ;

(2) une réduction de la conscience de son environnement (par ex. “ être dans le brouillard ”) ;

(3) une impression de déréalisation ;

(4) de dépersonnalisation ;

(5) une amnésie dissociative (p. ex. incapacité à se souvenir d'un aspect important du traumatisme).
 

C. L'événement traumatique est constamment revécu, de l'une (ou de plusieurs) des manières suivantes: images, pensées, rêves, illusions, épisodes de flash-back récurrents, ou sentiment de revivre l'expérience, ou souffrance lors de l'exposition à ce qui peut rappeler l'événement traumatique.
 

D. évitement persistant des stimuli qui éveillent la mémoire du traumatisme (par ex. pensées, sentiments, conversations, activités, endroits, gens).
 

E. Présence de symptômes anxieux persistants ou bien manifestations d'une activation neurovégétative (p. ex. difficultés lors du sommeil, irritabilité, difficultés de concentration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée, agitation motrice).
 

F. La perturbation entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants ou altère la capacité du sujet à mener à bien certaines obligations comme obtenir une assistance nécessaire ou mobiliser des ressources personnelles en parlant aux membres de sa famille de l'expérience traumatique
 

G. La perturbation dure un minimum de 2 jours et un maximum de 4 semaines et survient dans les 4 semaines suivant l'événement traumatique.
 

H. La perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance (p. ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou une affection médicale générale, n'est pas mieux expliquée par un Trouble psychotique bref et n'est pas uniquement une exacerbation d'un trouble préexistant de l'Axe I ou de l'Axe II.
 

Critères du DSM IV du stress post traumatique
 

A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :

(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d'autrui a pu être menacée ;

(2) la réaction du sujet à l'événement s'est traduite par une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur. NB. Chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.
 

B. L'événement traumatique est constamment revécu, de l'une (ou de plusieurs) des façons suivantes:

(1) souvenirs répétitifs et envahissants de l'événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. NB. Chez les jeunes enfants peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme ;

(2) rêves répétitifs de l'événement provoquant un sentiment de détresse. NB. Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable ;

(3) impression ou agissements soudains “ comme si ” l'événement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l'événement, des illusions, des hallucinations et des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d'une intoxication). NB. Chez les jeunes enfants, des reconstitutions spécifiques du traumatisme peuvent survenir ;

(4) sentiment intense de détresse psychique lors de l'exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l'événement traumatique en cause ;

(5) réactivité physiologique lors de l'exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l'événement traumatique en cause.
 

C. évitement persistant des stimuli associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d'au moins trois des manifestations suivantes :

(1) efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme ;

(2) efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme;

(3) incapacité de se rappeler d'un aspect important du traumatisme ;

(4) réduction nette de l'intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités ;

(5) sentiment de détachement d'autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres ;

(6) restriction des affects (p. ex. incapacité à éprouver des sentiments tendres) ;

(7) sentiment d'avenir “ bouché ” (p. ex. pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou avoir un cours normal de vie).
 

D. Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d'au moins deux des manifestations suivantes :

(1) difficultés d'endormissement ou sommeil interrompu ;

(2) irritabilité ou accès de colère ;

(3) difficultés de concentration ;

(4) hypervigilance ;

(5) réaction de sursaut exagérée.
 

E. La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d'un mois.
 

F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
 

Spécifier si : aigu : si la durée des symptômes est de moins de trois mois ; chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus.

Spécifier si : survenue différée : si le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur de stress.
 

Hormis l’état de stress post-traumatique, l’évolution classique d’une victime de viol est la dépression (70% des cas), mais également des troubles de la libido et de la relation affective.

 

Marlène FOUCHEY, psychologue à Meyzieu, 69330 (agglomération Lyon)