Définition de la normalité
 

La norme signifie le juste milieu, la moyenne, ce qui sert généralement de référence.

Les trois grands modèles de la normalité
 

La normalité statistique
 

La normalité statistique assimile la norme à la fréquence. Elle se réfère à un pourcentage majoritaire de comportements par rapport à une moyenne statistique. Dans cette optique, les individus dits normaux sont les individus moyens et sont considérés comme pathologiques les individus déviants de la norme ou de la moyenne. Ce qui est normal est alors ce qui s’observe le plus fréquemment. Pour exemple, les tests de Qi ont une moyenne arbitraire de 100, score qui représente une intelligence moyenne, normale.
 

Le caractère arbitraire de ce concept représente un obstacle en psychologie ; comment comprendre un phénomène psychologique qui, pour être normal, doit se situer au niveau d’une limite précise dans une distribution continue ? Il est difficile de trouver une moyenne précise aux phénomènes psychologiques. La fréquence d’un phénomène ne suffit pas à rendre compte dans plusieurs cas de la notion de normalité. En effet, des phénomènes peuvent être fréquents mais pathologiques. Enfin, la norme n’a un sens que par rapport à un contexte de référence.
 

La normalité idéale ou sociale
 

La normalité sociale fait référence aux règles éthiques, sociales et culturelles d’une société donnée. La normalité sociale assimile l’équilibre psychologique au conformisme social ou culturel. Elle désigne une perfection à laquelle l’idéal collectif aspire.
 

Il s’agit d’une notion insuffisante qui risque de faire considérer des attitudes passives de soumission silencieuse comme adaptées alors qu’elles peuvent cacher une véritable pathologie. Dans certaines conduites suicidaires, les jours précédents l’acte, le sujet peut être très calme, silencieux, donnant l’impression à l’entourage qu’il est tout à fait adapté. De même, dans le cas de la perversion, le sujet peut être tout à fait bien adapté socialement. A l’inverse, certains peuvent être marginaux sur le plan social mais tout à fait équilibré psychiquement.
 

Les normes sociales et culturelles ont influencées la nosographie psychiatrique comme l’illustre l’exemple de l’homosexualité. L’homosexualité a été considérée comme pathologique jusqu’en 1970. Aux Etats-Unis, il y a eu un mouvement de protestation des minorités sexuelles demandant une reconnaissance de leur singularité. On a alors distingué deux types d’homosexualité :

  • Une homosexualité ego syntonique (en accord avec soi) : forme d’homosexualité qui n’a pas d’aspect pathologique, qui est bien vécue par l’individu, sans signe de souffrance ou de culpabilité.
  • Une homosexualité égo dystonique (pas en accord avec soi) : elle n’est pas acceptée par l’individu. Les sujets ont des tendances homosexuelles mais accompagnées d’une grande culpabilité. Cette culpabilité les empêche d’avoir une vie sexuelle harmonieuse.

DEVEREUX a montré qu’il existait différentes acceptations de l’homosexualité selon les cultures. Par exemple, les indiens Mohave admettent l’homosexualité. Selon eux, l’homosexuel a reçu un message de la part d’un génie leur demandant de se « déguiser » en femme.
 

La normalité sociale demande de prendre en compte le point de vue de l’observateur. En tant que psychologue, il faut être conscient de ses références personnelles, des références liées au groupe auquel on appartient, à son milieu social et culturel. Comme tout observateur, nous intériorisons tout un système de normes ; on peut alors avoir des préjugés vis-à-vis de tout ce qui est différent. Des problèmes peuvent alors se poser lorsque l’on prend en charge des patients étrangers qui ont une façon différente de la notre de décrire leur trouble. Par exemple, un patient parlant de sorcellerie peut passer pour délirant alors qu’il s’inscrit simplement dans un référentiel culturel différent du référentiel occidental.
 

La normalité fonctionnelle
 

La normalité fonctionnelle correspond à l’état qui parait le plus approprié à un individu en fonction de ses caractéristiques psychologiques propres. Ainsi considérée, la normalité est identifiée par l’épanouissement psychologique et le fonctionnement optimal des diverses composantes de la personne.
 

En psychologie, on fait plutôt appel à une combinaison de ces critères pour analyser la normalité.
 

En 1966, CANGUILHEM proposa le concept de « normativité » selon lequel un individu sain est celui qui peut tomber malade et se rétablir ; c’est un individu capable d’instaurer de nouvelles normes de fonctionnement dans des contextes différents.

Cette ligne de réflexion conduit à définir la santé mentale non pas par l’absence de maladie ou par un nombre réduit de symptômes, mais par des capacités de changement et d’adaptation à des situations nouvelles.
 

Actuellement, on n’oppose plus les « normaux » aux « malades mentaux ». La majorité des psychopathologues considèrent qu’il existe un continuum entre les différents modes de fonctionnement psychique.
 

La normalité selon les modèles et les disciplines
 

La signification de la normalité peut être différente selon le modèle théorique auquel on se réfère. Les marges du normal et du pathologique peuvent se déplacer en fonction du modèle ou de la discipline.
 

Normalité en psychologie clinique
 

La psychologie clinique se réfère au fonctionnement propre d’un individu et non à un ensemble d’individus. Un état est considéré comme normal s’il est approprié à un individu donné avec ses caractéristiques et ses buts, la pathologie étant liée à une diminution des capacités d’adaptation et de création.
 

Normalité en psychanalyse
 

Selon le modèle psychanalytique, il y a une différence de nature entre l’expression d’un sujet sein et celle d’un patient névrosé. Par exemple, un sujet névrosé présentera des crises de larmes exagérées par rapport à un évènement donné comparativement à un sujet sein ; la différence est quantitative.

La réponse de type névrotique se traduit par une réaction excessive « c’est dans le plus que réside la névrose » selon FREUD. Pour KLEIN, le psychotique est en fusion totale avec sa mère, il n’a pas d’identité propre. Chez l’individu normal, le bébé est également fusionné avec sa mère ; c’est un stade par lequel tout le monde passe mais les psychotiques y resteraient bloqués.
 

Normalité et psychopathologie de l’enfant
 

Chez l’enfant, la notion de normalité est encore plus complexe à évaluer car on doit se référer à un niveau de développement tout en tenant compte des variations individuelles. Dans l’évaluation de la « normalité » d’une enfant, il faut tenir compte des stades de développement ; la présence d’un symptôme peut être problématique à un certain âge et tolérée à un autre. Par exemple, les angoisses nocturnes prendront différentes valeurs selon l’âge de l’enfant, le contexte d’apparition, la durée…

Les symptômes peuvent être différents selon le contexte familial, social, le niveau de maturation et la problématique de l’enfant. Il est donc important de tenir compte du système familial, culturel et social dans de lequel s’inscrit l’enfant.
 

Normalité et psychopathologie comportementale
 

Les théories béhavioristes n’évoquent pas de différence entre le normal et le pathologique. Selon cette théorie, il existe des comportements inadaptés qui sont dus à des défauts d’apprentissage.
 

Normalité et psychopathologie sociale et culturelle
 

L’antipsychiatrie (LAING, COOPER) des années 70 considérait le pathologique comme une aliénation de l’homme inscrit dans une société. Elle refuse la psychiatrisation des sujets, le pathologique se situant dans al société et non dans l’individu. Ainsi, pour comprendre une pathologie, il ne faut pas prendre en compte l’individu seul mais également sa famille et son environnement social.

Ce modèle donne naissance à l’idée selon laquelle l’institution psychiatrique a tendance à stigmatiser, aliéner les malades ; les empêchant de sortir, la structure ne fait qu’aggraver les malades.

La réhabilitation sociale consiste à ouvrir l’institution psychiatrique vers la société, par exemple en faisant créer aux malades des œuvres d’art afin de les exposer. Il en va de même pour les appartements thérapeutiques où le malade est inscrit dans la société tout en recevant régulièrement la visite du médecin psychiatre.
 

Souffrance et pathologie
 

La souffrance peut-elle être perçue comme le signe de la présence d’une pathologie ?

La souffrance du patient constitue un repère important en psychologie clinique dans la prise en charge de celui-ci.

Néanmoins, dans le cas de certaines pathologies comme la perversion, la souffrance du sujet n’est pas au premier plan, ne mobilisant pas chez eux une demande de prise en charge. Les pervers ne souffrent généralement pas, aucune culpabilité n’accompagne leurs actes. Ici, c’est l’apparition de culpabilité qui va représenter un signe positif pour la prise en charge.
 

Voir aussi :

Marlène FOUCHEY, psychologue à Meyzieu, 69330 (agglomération Lyon)